La poésie n'est pas une clé à molette

Qu’est-ce que la poésie ? Fichtre, personne n’en sait rien. Elle est comme une divinité. A l’instar des mystiques apophatiques, on ne peut la définir que par la négative. On sait seulement ce qu’elle n’est pas : ce n’est ni un ovni, ni une clé à molette, ni une barre à mine. Heidegger en a dit deux mots en pompant Hölderlin. Hegel l’a hiérarchisée, la plaçant comme toujours sous la philosophie. Mon boucher chevalin considère que c’est un assemblage de mots incompréhensibles, piochés au hasard dans le dictionnaire. Je me permettrais de dire qu’elle doit redevenir narrative car, pour ma part, j’en ai assez « du silence des pierres » et du « haïku des tremblements ». Si j’osais, je dirais que la poésie est une planète interdite comme le film de Fred McLeod Wilcox. Elle raconte une histoire aux méandres obscurs dans une langue reliée à on ne sait trop quoi. On se souvient que l'inconscient de Morbius, connecté à une machine et à un réacteur souterrain, est à l'origine de l'apparition d’un monstre et de la destruction du Bellérophon. Morbius refuse d’admettre ce fait et disparait. Remplacer le mot Morbius par poésie, et nous ne devons pas être très loin d’une sortie de route entre la glissière de Maître Eckhart et le sens interdit de Ezra Pound.