Les fesses ont quitté les transats. Les chaises longues sont vides. Les divans, désertés. C’est la fin de l’été. Cravates, bleus de travail, casques de chantier, uniformes et costumes en tous genres ont été ressortis du magasin de farce-attrapes et, de nouveau, nous allons jouer aux adultes responsables et lucides. Bon Dieu ! C’est donc le moment de réclamer une trêve oblomovienne et de reprendre la route vers sa grotte singulière. Vite un canapé, un peignoir et de quoi rêvasser ! Reprenons le chemin des écrivains russes du XIX ie siècle et évitons de fréquenter les peignes et les onguents pour se faire beau en société. De ces écrivains, je préfère ceux dont le nom s’achève par « ov » plutôt que « ski ». Gontcharov plutôt que Dostoïevski. Griboïedov et Lermontov plutôt que Tchernychevski. De même, pour les personnages, Oblomov plutôt que Bolkonski. En vérité, je vous le dis, il est temps de se remettre au lit pour une période indéterminée puisque « il ne se passe rien dans tout ce qui se passe ». Une fois sous la couette, il faut lire la Fin de l’Homme rouge de Svetlana Alexievitch. Bien plus qu’un livre sur la fin du système soviétique, c’est le récit de l’illusion humaine et de l’anecdote qu’incarne, en réalité, toute forme de projection personnelle vers le monde extérieur. C’est un livre comme une fin d’été qui vous donne envie de paresser éternellement et de ne pas retomber dans l’agitation et l’action, véritables ennemies de la vertu nietzschéenne. Oblomov a raison contre tous ceux qui ont cru, croient et croiront qu’une idée sociale, politique ou économique peut nous faire avancer d’un pas. Je préfère rehausser mon oreiller et hurler « Zakhar, Zakhar » pour que les rideaux soient bien tirés et mon thé servi avec des petits biscuits aux amandes. Tout le reste peut s’effondrer, tant que les ressorts de mon sofa sont solides et mon pyjama, de laine épaisse.