Il faut toujours exagérer, c'est le meilleur moyen d'être proche de la vérité

Sadegh Hedayat est le plus grand des Perses, loin devant Darius et Cambyse. Il ressemble à Péguy par sa manière obsessionnelle de tourner en rond, drôlement, dans une cage enfermée dans un tunnel, dont on a obstrué les deux sorties, perdu dans une galaxie inconnue qu'un trou noir va condamner. Certains diraient qu'il vague à force de revenir sur les mêmes rochers inaccoutumés. Hedayat s'est suicidé. Péguy a été tué pendant la Grande Guerre. Dans La Chouette aveugle, le sentiment d'être nulle part est tellement fort que lorsqu'on achève la lecture, il est nécessaire de jeter un coup d'œil sur Notre Jeunesse pour bien saisir que la mystique, opiacée ou non, pourrait bien être la seule forme de vie réelle. Il faut toujours exagérer, c'est le meilleur moyen d'être proche de la vérité – cette esthétique de la contusion. Chez Hedayat, l'écriture se mime, de même que les vers de Péguy reviennent sans arrêt comme une lente marée pour marteler ce je-ne-sais-quoi qui nous éloigne de l'ennui en même temps qu'il nous rapproche de la beauté. En somme, ces deux écrivains, si comparables et si différents, ont préféré la volonté au sens. C'est tant mieux qu'ils existent. Ils restent tant de dimanches à vivre et de soupes aux poireaux à renifler.